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La livre turque chute après les propos d'Erdogan

Points clés:
  • La livre a perdu 40% de sa valeur depuis le début de l'année
  • Erdogan estime qu'un tour de vis n'aura pas d'effet sur l'inflation
  • La banque centrale a abaissé son taux directeur de 400 points depuis septembre
  • Un ancien dirigeant de la banque centrale parle d'"expérience irrationnelle"

La livre turque chute mardi de 15% en réaction aux nouvelles déclarations du président Tayyip Recep Erdogan qui s'est engagé à remporter sa "guerre d'indépendance économique" et a défendu les récentes baisses des taux d'intérêt de la banque centrale du pays, malgré des critiques de toutes parts.

La monnaie turque, qui a perdu depuis le début de l'année 40% de sa valeur, est tombée en séance à 13,45 livres pour un dollar et se traitait vers 13h52 GMT à 12,55 USDTRY. Il s'agit de son onzième jour consécutif de repli.

Face à l'euro, la livre turque est tombée à un creux historique à 14,6442 mardi EURTRY.

Le président turc fait pression sur la banque centrale pour qu'elle s'oriente encore davantage vers une politique ultra accommodante malgré une accélération de la dépréciation de la livre et une inflation de près de 20% qui pèse sur le pouvoir d'achat des ménages. Tayyip Erdogan estime qu'une baisse des taux permettrait de stimuler les exportations, les investissements et l'emploi.

"Je rejette les politiques qui nuiront à notre pays, l'affaibliront, condamneront notre peuple au chômage, à la faim et à la pauvreté", a déclaré lundi soir le président turc à l'issue d'une réunion de son cabinet, estimant qu'un resserrement monétaire n'aurait pas d'effet sur l'inflation.

Semih Tumen, l'ancien vice-gouverneur de la banque centrale, limogé le mois dernier par le président turc, plaide de son côté pour un retour immédiat à des politiques permettant de préserver la valeur de la livre.

"Cette expérience irrationnelle qui n'a aucune chance de réussir doit être abandonnée immédiatement et nous devons revenir à des politiques de qualité qui protègent la valeur de la livre turque et la prospérité du peuple turc", a-t-il écrit sur Twitter.

LA HAUSSE DU COÛT DE LA VIE INQUIÈTE

La baisse de la livre survient dans un contexte de recul dans les sondages de la cote de l'AKP, le parti au pouvoir, et de l'appel de l'opposition à des élections législatives anticipées, normalement prévues pour 2023, alors que la forte augmentation du coût de la vie suscite des inquiétudes au sein de la population.

"Les prix montent trop vite. Je ne veux pas acheter certains produits parce qu'ils sont trop chers", raconte Kaan Acar, un cadre dans l'hôtellerie âgé de 28 ans, dans la station balnéaire de Kalkan, dans le sud de la Turquie.

"La faute en incombe au président Erdogan, au gouvernement de l'AKP et à ceux qui, pendant des années, ont fermé les yeux et les ont soutenus".

Depuis le limogeage en mars par le président turc de l'ancien patron de la banque centrale, réputé favorable à une politique monétaire plus restrictive, les investisseurs semblent délaisser la livre.

Le rendement des obligations de référence turques à 10 ans a dépassé les 21% pour la première fois depuis le début de 2019.

La banque centrale turque a abaissé jeudi dernier son taux directeur de 100 points de base à 15% contre une inflation de près de 20%, et a annoncé un nouvel assouplissement de sa politique.

Depuis septembre, les taux ont été abaissés de 400 points, une décision jugée dangereuse par les analystes au regard des rendements réels qui sont négatifs et compte tenu du fait que pratiquement toutes les autres banques centrales ont déjà entamé un tour de vis ou se préparent à le faire.

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