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USA-Des voix s'élèvent au sein de la Fed pour une modification de l'objectif d'inflation de 2%

Deux responsables de la Réserve fédérale américaine (Fed) ont récemment déclaré être ouverts à l'idée d'un examen de l'objectif à moyen terme de la banque centrale américaine d'une inflation autour de 2%, même si le chemin vers un débat, voire une révision de ce taux, est semé d'embûches.

"Pourrions-nous réexaminer cela? Bien sûr, mais nous ne pouvons pas le faire tant que l'inflation ne sera pas revenue à 2%", a déclaré Neel Kashkari, président de la Fed de Minneapolis, lors d'une interview accordée à Reuters lundi.

Dès que la Fed aura ramené l'inflation à 2%, "nous pourrions alors débattre de ce qui devrait être le bon objectif", a-t-il ajouté.

Fin avril, Patrick Harker, le président de la Fed de Philadelphie, a également laissé entendre que l'objectif de 2% pourrait être revu à un moment ou à un autre.

"Nous ne le modifierons pas maintenant", avait-il cependant ajouté, donnant également à penser que ce pourrait être le cas à l'avenir.

L'objectif d'une évolution des prix autour de 2% a été fixé en 2012, conduisant depuis la Fed à mener officiellement une politique monétaire qui s'articule autour de ce taux.

Une modification de cet objectif serait difficile, car les responsables de la Fed l'ont fermement défendu depuis son adoption.

Lors de la conférence de presse suivant les décisions de politique monétaire de la Fed des 21 et 22 mars, le président de la banque centrale américaine, Jerome Powell, s'est prononcé contre une modification de cet objectif et a souligné que l'engagement ferme de l'institution en faveur de ce taux de 2% contribuait à affermir la confiance dans la stabilité des prix malgré les pressions inflationnistes actuelles.

Jerome Powell s'est cependant lui-même engagé en faveur d'une révision du cadre opérationnel de la Fed tous les cinq ans, ce qui signifie qu'un réexamen de l'objectif d'inflation actuel pourrait avoir lieu en 2025, après la révision de 2020.

L'objectif de 2% fait débat alors que la prévision médiane des responsables de la Fed en mars donne une inflation encore légèrement supérieure à 2% fin 2025.

UN DÉFI DE TAILLE

Dans les années qui ont suivi l'adoption de l'objectif de 2%, l'inflation a été constamment inférieure à ce taux, ce qui a conduit certains économistes à soutenir l'idée qu'un relèvement de ce plafond stimulerait les anticipations de hausse des prix et contribuerait à ce que l'inflation réelle se rapproche du seuil souhaité.

Aujourd'hui, alors que l'inflation reste plus de deux fois supérieure à l'objectif fixé malgré 14 mois de fortes hausses des taux d'intérêt, certains observateurs estiment qu'un relèvement de l'objectif réduirait la pression exercée sur la Fed pour qu'elle maintienne une politique monétaire restrictive, au risque d'importants dégâts sur le marché du travail.

Nombre d'observateurs estiment en outre que les mesures les plus facilement acceptables pour juguler l'inflation sont terminées et que les dernières étapes pour atteindre l'objectif de 2% risquent de déboucher sur une véritable catastrophe économique.

"Il ne sera pas facile d'atteindre l'objectif de 2% et il pourrait être très difficile pour la Fed de dire 'nous devons atteindre l'objectif de 2% et nous allons maintenir les taux d'intérêt à un niveau très élevé'", prévient Olivier Blanchard.

L'ancien chef économiste au Fonds monétaire international (FMI) et actuel chercheur au Peterson Institute for International Economics pointe notamment de possibles dommages collatéraux avec le maintien d'un tel objectif.

Mardi, lors d'une conférence organisée par la Brookings Institution, Olivier Blanchard, qui plaide pour un objectif d'inflation à 3%, a dit s'attendre à un débat quant à la pertinence du maintien du taux de 2% dès que l'inflation se rapprochera de ce seuil.

Il a ajouté que la Fed pourrait désormais se montrer moins agressive dans la remontée de ses taux pour atteindre son objectif de 2% au regard des possibles dégâts sur l'économie.

Ben Bernanke, l'ancien patron de la Fed, a déclaré partager en "théorie" le point d'Olivier Blanchard. Il a cependant noté, qu'en pratique, aucun changement ne serait possible sans l'aval du Congrès américain.

Selon Ben Bernanke, un recours aux parlementaires américains pourrait aboutir à un objectif que la Fed elle-même pourrait ne pas souhaiter.

"Au regard de notre situation actuelle par rapport à la position initiale, c'est un véritable défi que d'opérer ce changement", a-t-il conclu.

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