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Atos: la cession contestée à Kretinsky coûte sa tête au président

Rebondissement dans le feuilleton Atos: sous le feu des critiques, le président du groupe informatique, Bertrand Meunier, a démissionné et le projet contesté de cession au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, bien que maintenu, est reporté au "début du deuxième trimestre 2024".

Vivement critiquée par des actionnaires et des politiques, la stratégie de scinder Atos en deux branches, dont l'une cédée à M. Kretinsky, a finalement coûté sa tête à Bertrand Meunier.

Pour autant, elle reste "la meilleure des solutions disponibles", ont assuré les dirigeants du groupe lors d'un point-presse téléphonique lundi matin.

"L'opération envisagée constitue la voie la plus réalisable pour la réalisation de la séparation de Tech Foundations (qui regroupe les activités historiques d'infogérance, soit la maintenance des parcs informatiques, NDLR) et d'Eviden (cybersécurité, supercalculateurs et "cloud", NDLR) et pour améliorer le profil de risque du groupe", indique Atos.

En revanche, le calendrier est retardé. "L'assemblée générale des actionnaires et la réalisation de l'opération globale sont désormais attendues pour le début du deuxième trimestre 2024, compte tenu du calendrier prévu pour l'obtention des autorisations réglementaires", précise le groupe.

L'action Atos a clôturé lundi en hausse de 5,78% à 5,16 euros, après avoir gagné plus de 20% juste après l'ouverture. Depuis le début de l'année, elle a perdu près de 43% de sa valeur.

- Plaintes -

Depuis samedi, M. Meunier a été remplacé par Jean-Pierre Mustier, un ancien cadre dirigeant des banques Société Générale et Unicredit, jusqu'ici administrateur indépendant d'Atos.

"Si l'opération avec EPEI (le groupe de M. Kretinsky) n'a pas lieu, le groupe devra accéder aux marchés de capitaux (dettes et actions) et/ou envisager la vente d'actifs supplémentaires" pour "faire face aux échéances de la dette en 2025", ajoute Atos.

Il précise être en train de renégocier "certains paramètres" avec M. Kretinsky pour "simplifier" le projet de cession, sans autre détails.

La cession de Tech Foundations doit s'accompagner d'une augmentation de capital d'Atos de 900 millions d'euros, dont 180 millions d'euros réservés au groupe de M. Kretinsky.

Ces derniers mois, Bertrand Meunier était la cible de critiques nourries de la part de petits actionnaires qui s'opposent à la scission du groupe, à la cession de la branche Tech Foundations à M. Kretinsky et à l'entrée de ce dernier dans le capital de la branche Eviden.

Deux actionnaires minoritaires, les fonds Alix AM et CIAM, ont déposé une plainte auprès du parquet national financier (PNF), le premier pour corruption active et passive, le second pour "informations fausses ou trompeuses".

"Jean-Pierre Mustier a toujours été favorable aux propositions de Bertrand Meunier au sein du conseil d'administration et a soutenu le projet de cession de Tech Foundations à Daniel Kretinsky", ont réagi lundi soir les dirigeantes du fonds CIAM, Catherine Berjal et Anne-Sophie d'Andlau, dans un communiqué à l'AFP.

"Nous continuerons à nous opposer à la cession" et "nous demandons la désignation d'un président du conseil d'administration capable de présenter un projet conforme à l'intérêt social d'Atos", ont-elles ajouté.

- L'ambitieux Kretinsky -

La contestation a aussi pris un tour politique: en août, 82 parlementaires LR ont appelé à maintenir Atos "sous le giron français", notamment car sa branche spécialisée dans les supercalculateurs est indispensable aux simulations d'essais nucléaires et à la dissuasion.

"Même si l'opération était menée à son terme, elle n'aurait aucune incidence en termes de contrôle ou de droit de blocage sur les activités sensibles", avait répliqué la Première ministre, Elisabeth Borne, fin septembre.

Cette saga est une nouvelle illustration spectaculaire des ambitions de Daniel Kretinsky en France, où cet homme d'affaires de 48 ans investit massivement dans plusieurs secteurs depuis 2018.

Il a d'abord pris pied dans les médias: via son groupe CMI France, filiale de Czech Media Invest (CMI), il contrôle notamment Marianne, Elle, Franc Tireur et Télé 7 Jours.

Il a également renfloué Libération, sans en devenir actionnaire. En septembre, il a en revanche cédé toutes ses parts dans le groupe Le Monde à un autre milliardaire, Xavier Niel.

Le Tchèque est par ailleurs en train de racheter le groupe d'édition Editis au géant des médias Vivendi.

Dans la distribution, il a conclu cet été un accord pour prendre le contrôle du groupe Casino (qui comprend aussi Monoprix, Franprix, Naturalia et CDiscount), et est le premier actionnaire de Fnac Darty.