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Regards braqués sur Atos qui publie ses résultats du premier trimestre

Le géant informatique français Atos, en pleine déroute financière, dévoile jeudi ses résultats du premier trimestre sous l'oeil attentif de ses créanciers qui ont jusqu'à vendredi pour fournir leurs propositions dans le cadre du plan de refinancement du groupe.

Atos a annoncé en 2023 une perte nette de 3,4 milliards d'euros.

Le nouveau plan d'affaires, présenté aux investisseurs, table cependant sur une "reprise des activités commerciales à partir de fin 2024" avec l'hypothèse d'un chiffre d'affaires d'environ 9,9 milliards d'euros en 2024 puis de 11,4 milliards d'euros en 2027.

L'ex-fleuron, qui est l'un des piliers technologiques des JO de Paris, a perdu 80% de sa valeur boursière en un an après avoir vu s'effondrer coup sur coup deux opérations de cession d'une partie de ses activités qui devaient le remettre à flot.

D'un côté, l'échec de la vente de ses activités historiques d'infogérance, Tech Foundations, au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, de l'autre, l'arrêt des discussions avec Airbus pour l'acquisition de ses activités "big data" et sécurité, BDS.

Aux aguets, le groupe est désormais à la recherche de 1,2 milliard d'euros d'argent frais et veut diviser par deux sa dette, qui avoisine les 5 milliards d'euros, en la convertissant en actions.

Atos, qui entend conclure un accord de refinancement d'ici juillet, a donné jusqu'à vendredi à ses créanciers pour formuler leurs propositions.

- Front obligataire -

Face à cette date butoir, les porteurs d'obligations - qui possèdent environ 2,4 milliards d'euros de dette, l'autre partie étant détenue par les banques - ont organisé leur offensive.

Les créanciers obligataires à courte échéance, plutôt des fonds spéculatifs, et ceux à plus longue échéance, plutôt des acteurs institutionnels et des banques privées, ont ainsi décidé de s'allier pour avoir plus de poids dans les négociations, selon une source proche du dossier.

Il existe une égalité juridique entre les différents créanciers d'Atos, grâce à une clause baptisée "pari passu", qui rend possible un alignement d'intérêts entre les prêteurs.

"Tout le monde devra faire les mêmes efforts et cela concerne également les banques", précise cette source.

Ce front obligataire serait prêt à apporter 600 millions d'euros d'argent frais et convertir la moitié de sa dette en actions, soit 1,2 milliard d'euros, si les banques font de même.

Des actionnaires minoritaires, réunis dans l'association Union des actionnaires d'Atos constructifs (UDAAC) ont fait savoir leur opposition à une "mainmise" des fonds spéculatifs sur le groupe.

Il n'est pas non plus acquis que ce schéma plaise aux banques. Interrogées par l'AFP, Société Générale, BNP Paribas et BPCE n'ont pas souhaité réagir.

"Dans ces dossiers-là généralement, il y a ceux qui arrivent avec de l'argent frais et ce sont eux qui vont dicter leurs conditions", a résumé auprès de l'AFP Charles Monot, président de Monocle Asset Management.

Après la transformation de créances en actions, certains créanciers pourraient toutefois ne pas vouloir prendre les parts de capital, parce que leur statut légal le leur interdit par exemple, pour un expert du secteur.

"C'est là où un acteur devra se positionner, mais à quel prix ? Tout cela est en discussion", a expliqué cette source.

- Souveraineté -

L'Etat français veille en tout cas au grain pour garantir la souveraineté de certaines activités stratégiques.

Atos possède notamment des supercalculateurs utilisés pour la dissuasion nucléaire et des contrats avec l'armée française.

Le ministère de l'Economie s'est engagé en avril à prêter 50 millions d'euros à l'entreprise pour l'aider à stabiliser sa situation financière en échange d'une "action de préférence" qui lui permet de mettre son veto à certaines opérations au niveau de Bull, filiale d'Atos qui construit ses supercalculateurs.

"C'est un signal très clair de notre détermination à protéger les actifs stratégiques d'Atos. Donc nous y travaillons là aussi de manière très active. J'aurai l'occasion, d'ici la fin de la semaine, de préciser les choses", a déclaré mercredi soir Bruno Le Maire sur BFM Business.

Bercy envisagerait même de prendre une participation minoritaire dans la division BDS du groupe, et de s'adosser à un industriel français comme Dassault Aviation ou Thales. Contactés par l'AFP, le ministère et l'Agence des participations de l'Etat n'ont pas commenté.

Le président d'Atos, Jean-Pierre Mustier, s'était lui voulu rassurant mi-avril devant le Sénat.

"Nous nous engageons à ce que les activités dites sensibles soient bien protégées quelle que soit la solution apportée par le repreneur", avait-il déclaré.