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Sanctions contre le Venezuela: Washington laisse des "fenêtres ouvertes", selon les experts

Les États-Unis ont réimposé des sanctions sur le pétrole et le gaz vénézuéliens, dénonçant la politique de répression de l'opposition du président Nicolas Maduro. Toutefois, selon les experts, Washington a laissé des "fenêtres ouvertes" pouvant atténuer leur impact.

La licence générale dite "GL44", qui suspendait partiellement l'embargo et permettait la commercialisation de pétrole et de gaz au Venezuela, n'a pas été renouvelée jeudi après son expiration. Mais après?

- Les licences -

Les États-Unis ont imposé un embargo pétrolier au pays en 2019, tentant d'évincer du pouvoir le président Maduro, dont ils n'ont pas reconnu la réélection en 2018.

La mesure faisait partie d'une batterie de sanctions à l'origine de vives tensions entre Caracas et Washington et qui ont contribué à aggraver la crise économique dans le pays.

Depuis, la Maison Blanche a fait des exceptions, accordant des licences d'exploitation ici où là, comme celle toujours en vigueur attribuée au géant américain Chevron.

En octobre, elle avait partiellement levé l'embargo, conditionnant le renouvellement de la licence GL44 à des progrès démocratiques en vue de l'élection présidentielle du 28 juillet.

Non renouvelée, elle a cependant été remplacée par une autre licence, la "GL44A". Celle-ci autorise jusqu'au 31 mai les opérateurs, dont le géant public Petroleos de Venezuela (PDVSA), à finaliser leurs transactions en cours.

Elle permet cependant aussi aux entreprises souhaitant travailler avec le Venezuela de demander des permis spécifiques, similaires à celui accordé à Chevron, explique à l'AFP Leonardo Vera, président de l'Académie vénézuélienne des sciences économiques. Il s'agit de "fenêtres qui restent ouvertes", souligne-t-il.

- Ouverture -

"Nous sommes disponibles, prêts à continuer à avancer avec toutes les entreprises transnationales qui veulent venir", a déclaré mercredi le président de PDVSA et ministre du Pétrole Pedro Tellechea. Symbolique ou pas, il a signé, le même jour que l'annonce des sanctions, un accord avec Repsol afin d'augmenter sa production de brut et de gaz, destinée au remboursement de la dette.

"Nous sommes convaincus que nous serons bénis par le succès de cette nouvelle activité qui incorpore de nouveaux gisements et vise donc à augmenter la production de pétrole de ce pays au bénéfice de son peuple", s'est félicité Luis Garcia, un représentant de la compagnie pétrolière espagnole.

Repsol et d'autres entreprises européennes, comme la française Maurel & Prom, avaient déjà "demandé des licences individuelles", explique Francisco Monaldi, directeur du programme énergétique latino-américain de l'Institut Baker, à l'Université Rice, au Texas.

Et "ce signal des États-Unis pourrait signifier qu'elles seront approuvées", estime l'expert, qui exclut "un retour à l'ancienne politique de sanctions".

"Il ne faut pas y voir une décision définitive par laquelle nous ne croyons plus que le Venezuela sera en mesure d'organiser des élections dans un avenir proche", a souligné mercredi à la presse un haut fonctionnaire américain sous couvert d'anonymat.

Les États-Unis ont en effet laissé entendre qu'ils pourraient à nouveau assouplir les mesures dans le cas de changements significatifs dans l'organisation de la présidentielle. L'opposition dénonce le fait qu'elle n'a pas pu présenter les candidatures qu'elle désirait.

- Risques -

Le Venezuela produit plus de 900.000 barils par jour (bd) et vise à terminer l'année à 1,2 million, selon le ministre Tellechea : "Nous continuons à avancer, nous continuons à croître".

Le pays, qui dispose des réserves parmi les plus grandes du monde, est loin des trois millions d'il y a 15 ans, mais se situe sur une pente ascendante, après un plus bas historique de 400.000 bd.

Pour Francisco Monaldi, le risque se situe au niveau des revenus. La licence GL44A "est beaucoup plus spécifique et discrétionnaire" et "s'il n'y a pas d'entreprises qui obtiennent des licences d'achat, PDVSA devra vendre sur le marché noir avec toutes les difficultés liées aux remises et à l'encaissement". Cela a été le cas pendant plusieurs années.

M. Tellechea a promis qu'il prendrait les "mesures adéquates", mais a été catégorique sur le fait que le Venezuela ne reviendra pas à des politiques de ventes au noir avec des rabais, pratique qui selon lui a ouvert la porte à la corruption.