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M6: Tavernost le vieux loup de mer passe la couronne au dauphin Larramendy

Dernier patron historique et figure charismatique de l'audiovisuel français, Nicolas de Tavernost cèdera mardi la tête du groupe M6 à David Larramendy, qui devra le faire basculer dans la télé de demain.

Chevelure en bataille, yeux bleu glacier et traits d'esprit acérés, M. de Tavernost, 73 ans, est à la barre de M6 depuis sa création il y a 37 ans, d'abord comme adjoint du premier PDG Jean Drucker puis comme patron depuis 2000.

Au lancement de la chaîne en mars 1987, M. Larramendy allait fêter ses 13 ans. Aujourd'hui âgé de 50 ans, il dirige depuis fin 2014 la régie publicitaire du groupe, dont il prendra les rênes après le feu vert de l'Assemblée générale mardi.

"C'était important d'avoir un candidat interne (...), il ne va pas tout bousculer", a assuré le sortant début avril devant l'Association des journalistes médias (AJM).

Autrefois, M6 était "la petite chaîne qui monte". Aujourd'hui, c'est le vaisseau-amiral d'un important groupe de médias.

Il comprend quatre télés gratuites (M6, W9, 6ter, Gulli), neuf payantes (dont Paris Première et Téva), trois radios (RTL, RTL2, Fun Radio) et des sociétés de production (comme SND pour le cinéma).

- "Avec les dents" -

Comme ses concurrents, le groupe est confronté à des défis considérables, dont la désaffection des jeunes pour la télé traditionnelle, au profit des réseaux sociaux et des plateformes type Netflix.

M6 accélèrera sur le streaming gratuit en lançant en mai sa nouvelle plateforme, M6+.

D'autres questions structurelles se posent sur l'avenir du groupe.

Son projet de fusion avec TF1 a échoué en 2022 à cause des règles de concurrence, ce que M. de Tavernost garde en travers de la gorge. Dans la foulée, son actionnaire principal, le géant allemand Bertelsmann, a renoncé à le vendre.

En l'état actuel des choses, rien ne bougera jusqu'à 2028 voire 2032, puisque la loi interdit de céder une chaîne dans les cinq ans qui suivent le renouvellement de sa fréquence TNT (télévision numérique terrestre).

Après celui de M6 en 2023, ses petites soeurs vont elles aussi postuler à leur reconduction.

Mais la loi pourrait évoluer et le délai descendre à deux ans. Si tel était le cas, "beaucoup de gens s'intéressent au groupe M6", a glissé M. de Tavernost.

Car il est rentable, "à 20-22%" selon son futur ex-patron, qui revendique y être attentif et "aller chercher des ressources avec les dents".

Ironie du sort, le dernier coup d'éclat de ce dirigeant peu dépensier a été de rafler les droits des Mondiaux 2026 et 2030 de foot à TF1.

Auditionné début février par la commission d'enquête parlementaire sur la TNT, il a, comme souvent, dénoncé le "carcan législatif" qui "fossilise" l'audiovisuel français et plaidé pour sa "concentration" face à la "concurrence inéquitable" des réseaux et plateformes.

- Basque -

Il s'est aussi dit "fier" des programmes de M6, de "Top chef" à "L'amour est dans le pré" en passant par "Zone interdite" ou "Capital".

C'est cette chaîne qui a introduit la téléréalité en France, avec Loft Story en 2001, au prix d'une polémique nationale.

"C'est à la fois un bon souvenir et le plus mauvais", a reconnu M. de Tavernost devant l'AJM. "C'était novateur, ça permettait de taper sur le concurrent" TF1 mais "j'avais une protection policière".

David Larramendy, lui, n'est pas un homme de contenus. Mais "la garantie pour la création, c'est qu'on gagne de l'argent", fait valoir son aîné, en saluant ce "gars très doué, à la double formation d'ingénieur et de commercial" (à Supélec et la prestigieuse école américaine Wharton).

"Quand on lui a confié la régie, il ne connaissait rien à la pub. Et il +surperforme+ le marché", a ajouté M. de Tavernost.

Parisien attaché à ses racines basques, père de deux enfants et marié à une spécialiste d'art brésilienne, M. Larramendy devra imposer sa personnalité après celle, si marquante, de son omniprésent prédécesseur.

Devant les journalistes, ce dernier reste discret sur son avenir : "Je réfléchis. Pas impossible qu'on se revoie un jour".